Les GAFA et les paradis fiscaux
Les GAFA et les paradis fiscaux
La toute puissance des GAFA
Dans une période pas si lointaine, Barack Obama raillait la volonté de l’Union Européenne de réguler les activités des grandes entreprises du numérique, souvent rassemblées dans l’acronyme GAFA pour Google, Apple, Facebook et Amazon. La capitalisation boursière de deux de ces entreprises, Apple puis Amazon, dépasse désormais les 1000 milliards de dollars. Pourtant les Européens sont parvenus à s’accorder sur l’instauration d’une taxe numérique tout en contrôlant plus strictement les données personnelles collectées par ces entreprises.
Une stratégie d’évitement de l’impôt
Les grandes entreprises du numérique semblent parfois au-dessus des Etats. En dépit de leurs bénéfices colossaux, elles parviennent à limiter leur imposition grâce aux paradis fiscaux. Les mécanismes sont connus, mais les désaccords entre Etats ont jusqu’à maintenant empêché l’instauration de règles plus strictes en matière de fiscalité pour les GAFA.
D’après les données de la commission européenne, le taux d’imposition sur le bénéfice des grandes entreprises du numérique est en moyenne de 9% alors que les entreprises traditionnelles sont soumises à une fiscalité moyenne de 20%. Pour pratiquer l’optimisation fiscale, les GAFA transfèrent leurs bénéfices dans des pays où la fiscalité est plus avantageuse. Pourtant membres de l’union, l’Irlande ou le Luxembourg imposent ainsi une concurrence à leurs partenaires pour accueillir chez eux les sièges sociaux des filiales des GAFA.
Les montages financiers complexes sont beaucoup mieux connus depuis les Paradise papers, une grande enquête internationale sur l’évasion fiscale menée depuis 2016. La première étape passe par le transfert des revenus de la filiale irlandaise vers une société écran aux Pays-Bas. Un deuxième détour par les Bermudes permet ensuite de bénéficier d’une fiscalité nulle. D’après les données collectées par les spécialistes de l’évasion fiscale, chaque Bermudien rapporte ainsi à Google plus de 160 000 dollars de bénéfices par an alors que l’entreprise n’a aucun employé sur cet archipel d’Amérique du Nord.
40% des bénéfices des multinationales transiteraient ainsi vers les paradis fiscaux. Cette stratégie profite largement aux multinationales, mais elle permet également d’enrichir les Etats qui mettent en place des régimes fiscaux dérogatoires. Grâce à une fiscalité sur les entreprises de 12,5% contre 20% en moyenne, l’Irlande a pu faire exploser ses recettes fiscales.
Le manque à gagner s’élèverait à 60 milliards d’euros par an à l’échelle de l’union et à plus de 10 milliards pour la France.
Une volonté mondiale de reprise en main
Le ciel bleu qui a accompagné l’essor des grandes entreprises du numérique dans in contexte ultralibérale semble pour l’heure s’assombrir. Les principaux acteurs de la gouvernance internationale s’accordent sur l’idée d’une nécessaire régulation des GAFA pour qu’elles n’échappent pas totalement à leur contrôle.
La France défend ardemment l’instauration d’une taxe numérique. Elle a obtenu le soutien de plusieurs pays européens parmi lesquelles l’Allemagne même si d’autres refusent catégoriquement le principe. La commission européenne souhaite ainsi modifier la fiscalité sur les entreprises pour ne plus faire peser uniquement l’impôt sur la localisation de la société, mais également sur la « présence numérique ». Une taxe provisoire de 3% des bénéfices tirés de la monétarisation des données personnelles à des fins publicitaires a été décidée en attendant une réforme fiscale d’envergure. Si l’Europe reste un nain de l’économie numérique, elle demeure le premier marché du monde pour ces technologies.